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OK. Vous n'y comprenez rien. Normal. Reprenons l'histoire. Il était une fois, dans des temps très anciens, quelques bons camarades qui fêtèrent ensemble le passage d'une année à l'autre. Il y avait là le Christophe, le Néner, la Cath... Vous suivez? Histoire de rire, et parce qu'elle rêvait comme tout le monde du transsibérien, Picabiette amusa la galerie en exhibant quelques pages d'un site russe, irkoutskien et intouristien. C'est la page 000: "le client doit comprendre". Les bons camarades en avaient les larmes aux yeux. Le lendemain ou peut-être le surlendemain, la Cath et la Picabiette se dirent, par mail, qu'après tout, ce voyage, on pouvait bien le faire, sans prendre d'année sabbatique, avec juste un abonnement à l'ADSL, sans changer de zone de carte orange: le pouvoir de l'imagination. Evidemment, direz-vous, mais la langue, la langue? Et alors? Pourquoi payer Berlitz quand on a Babelfish? Picabiette avait de lointains souvenirs scolaires d'une langue qu'elle aimait infiniment pour sa poésie, sa musicalité, les raffinements de sa grammaire. Cathbleue parlait un anglais impeccable peaufiné en Californie. Le Voyage commençait. Il partirait de Vladivostok, parce que c'est d'un port qu'il convient de partir. Quand vous êtes dans un port, vous avez deux solutions: prendre le bateau - mais alors Picabiette se retrouvait aux USA, en Alaska, au Japon, en Corée du Nord; et elle ne connaît ni l'anglais, ni le japonais, ni le coréen. Soit vous cherchez la gare, et vous prenez le train, vous enfonçant inexorablement dans les terres. En Russie, quand vous vous enfoncez dans les terres, vous avez de quoi faire. Ainsi fut décidé. En 10 pages achté'emmel, les préparatifs étaient bouclés, et Picabiette se bagarrait avec les webcams de Vladivostok, fascinée: http://www.voyage-immobile.net/010.htm. Elle voyait passer les tramways, elle allait au cinéma, elle cherchait le centre. Cath, dite Cathbleue, était restée à Ivry et balançait sur free les échanges entre elle-même et sa bonne camarade. Sur free? Ah! Il y en a qui croient que les blogs, ça a toujours existé, comme les papyrus et les pointes de flèches? Pas du tout. On en était encore à un artisanat où on faisait tout à la main, et c'était plutôt joli. Constatant un accroissement parfaitement étonnant des connexions, les deux camarades se fendirent de l'achat d'un nom de domaine: "voyage-immobile.net". Elles envoyaient des mails à tour de bras pour repérer les plans les meilleurs tout au long de la ligne transsibérienne, pour avoir réponse à des questions fondamentales quand on voyage, sur la crédibilité des cartes, sur les précautions à prendre, sur les équipements adhoc, sur le sens de la vie.. Le petit théâtre du Voyage se peupla, au fil des jours, de visiteurs improbables et de compagnons d'infortune: des lecteurs assidus qui en redemandaient, des météorites ratiocineurs, des savants, une poule qui devint La Poule, Albert, un parapluie blanc... Le Voyage attirait l'attention de bonnes gens amusés par ce qui se tramait là, dans une sorte d'imaginaire technologique. --> ceux qui sont monts dans le train, voir "casting". Exploratrices dans l'âme, nos amies tâchaient de donner congruence, au fils des jours, à la géographie réelle et à son expression sur la toile, à son expression en tant que toile. Elles se virent, en face à face, assez peu - mais l'une et l'autre, chaque jour, allumait l'ordinateur en se disant: bon dieu de bon dieu, qu'est-ce qu'elle va me faire, aujourd'hui? Elles prenaient des fous rires. C'était follement amusant, follement prenant. Tellement que Cathbleue déclara forfait: elle n'en pouvait plus: "ça me prend le chou" - elle qui n'aime que les brocolis. Picabiette se perdit du côté de l'Angara, à Irkoutsk. Picabiette et Cathbleue connurent alors une période d'amitié fâchée qui ne dura pas très longtemps. Mais. Mais Picabiette décida qu'elle parlerait, un peu, le russe. Qu'elle irait à Vladivostok, voir les tramways, le port, les rues, respirer l'air glacé de la ville. Elle fréquenta avec assiduité les cours du centre culturel russe, se leva à six heures du matin pour écrire des mots dans un petit calepin noir, se rendit à Moscou. Cath décida de poursuivre ses explorations de la toile, de ce que l'on en peut faire et de ce qu'elle fait de nous. Elle se muta en Albertine Meunier. Le Voyage-immobile, c'est ça: deux bonnes camarades se donnent des nouvelles. Enfin Picabiette rallia pour de vrai Vladivostok, histoire de revenir à Paris: c'était une autre histoire. Il arrive à Picabiette et Cathbleue de se retrouver pour papoter au soleil de Pizza'Plage, avenue de France, dans le 13e arrondissement de Paris. Le Voyage? Oui, c'était bien. Picab' |