De: picabiette [picabiette-c/o-wanadoo.fr]
Envoyé: mardi 18 novembre 2003 22:17
À: 'perpetua-c/o-wanadoo.fr'
Objet: grave question, on ne rit plus

Madame Perpetua ,

Si j'ai bien compris, vous êtes une pieuse personne, c'est-à-dire quelqu'un que j'aurais eu peu de chances de fréquenter en dehors du Voyage. Vous êtes là, ça tombe bien. On ne parle dans le monde entier, même ici, que de la révolution que s'apprête à mener la France : contraindre toutes les femmes à sortir en cheveux. J'en ai parlé à quelques babouchkas. Moi-même j'ai pris l'habitude de couvrir ma flamboyante chevelure de quelque foulard fleuri, ou blanc, rarement à carreaux, jamais à rayures (les rayures, la seule idée de l'existence de rayures, ça me brouille la vue - vous vous souvenez de la poule en robe Buren - non, pas de bure - cela m'était intolérable, je suis astigmate). La nouvelle révolution française me contraindrait à des shampoings fréquents, ce qui, dans les conditions de mon voyage, serait une contrainte pesante.

Croyez-moi : toutes les révolutions dont la France prend la tête ont des répercussions qu'il n'est possible d'évaluer que dans des délais dépassant le temps de nos existences. Ici, le mot même de « révolution » parcourt le corps entier de qui l'entend, le tétanise, entre désir et répulsion. Le mot « foulard » évoque un élément mineur de la vie quotidienne où se rencontrent commodité et coquetterie. On n'y comprend rien.

Pourriez-vous m'en dire plus sur cette nouvelle révolution française ? Vous-même, sortez-vous en cheveux ou couverte d'un chapeau, d'un bibi, d'un fichu ?

Mes babouchkas ne s'imaginent pas tête nue, il faut que je leur propose des arguments convaincants, sinon c'est la beresina pour l'image de notre nation.

Avec mes remerciements anticipés,

Picabiette

Ci-joint, deux de mes foulards à fleurs, le rouge et le blanc. Et mes babouchkas, foulard + parapluie. Elles charrient!