----- Original Message
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From: picabiette
To: Cathbleue
Sent: Thursday, May 01, 2003 6:49 PM
Subject: Raskolnikov
Avant que Perpetua ne m'envoie une volée de bois vert...
N'allons pas imaginer
que les Russes et leurs autochtones soient des êtres dépourvus
de tout sens moral, incapables de distinguer, comme nous le faisons avec
tant de pertinence, le Bien du Mal, le Propre du Sale, le Blanc du Noir.
Au contraire. La question les tourmente beaucoup.
Hier, dépensant
à l'avance les dollars qui vont m'arriver par la Western Union,
j'entre dans une auberge branchée de Tchita. M'installe, avec Albert
et la Poule, juste à côté d'un homme sans âge,
dépenaillé, mais au regard ardent, mobile, traqué.
Triste et fier. Tout de suite, il nous dit: "Je m'appelle Raskolnikov,
Rodia Raskolnikov. Tu connais mon arrière grand-père, il
est mort au bagne, à Omsk." Il me sort une photo de son arrière-grand-père
(tout au fond). "Moi aussi, me dit-il, comme lui, je crois plus à
l'ombre qu'à la lumière." Si j'ai bien compris ses
propos, il nous reprochait l'invention des Lumières, nos valeurs
universelles, les droits de l'homme et notre fausse fraternité.
Il parlait de ténèbres, de tombeau, qu'il était au
tombeau, qu'il y faisait froid et lourd. Et de l'universalité du
crime.
Pendant ce temps,
la Poule picorait, l'oeil fourbe, les pirojki de Raskalnikov.
Alors,
Perpetua, qu'est-ce qu'elle a à dire, Perpetua ? Elle est tourmentée
par les Ténèbres, Perpetua ?
Ce nom-là me disait quelque chose... N'est-ce point la bonne du
curé dans les Fiancés de Manzoni ?
Tout le monde resssuscite, alors ?
La dame qui chante, elle chante Raskolnikov, elle s'appelle Oumka.