даяна гарсиа - колыбельная
Daïana Garcia / Berceuse
Le train s’appelle Okean, il est bleu. Pour blason, deux dauphins. La provodnitsa - dirait-on : la pourvoyeuse ? - vérifie à la lampe de poche que les noms des billets et des passeports sont les mêmes, et vous laisse monter dans le train.
Pas de lumière. Une ambiance verte. Un panneau, en bout de wagon, affiche l’heure, et la température : 20°. Sur la table du compartiment, un petit bouquet de fleurs, quelques friandises.
Enveloppé dans un plastique, le linge : deux draps, une taie d’oreiller, une serviette de toilette.
Quelques minutes après le départ, lumière. A travers la vitre, les lumières de Vladi. Je file au restaurant : seule cliente. Drapé des rideaux, arrangement "grand genre" des tables. Excellence des petites pommes de terre, du thé. Ils sont quatre à s’occuper de la cliente.
Retournant dans mon compartiment, je m’arrête aux toilettes me laver les mains. Dans le soufflet, posant la main humide sur la poignée de porte, je comprends ce que c’est, de poser une main humide sur du métal glacé : douloureux.
Il y a le wagon, très chaud. A chaque bout du wagon, un sas où il est permis de fumer. Entre les wagons, le soufflet. Le soufflet, c’est le plus froid. Le sas, c’est un entre-deux. On y tient cinq minutes, le temps d’une cigarette.
Dormir, dormir... L’oreiller me fait l’effet d’un édredon. Je crève de chaud dans mon pyjama noir en ouatine. A Oussourisk montent deux compagnons de voyage peu loquaces, avec des pulls tricotés main. Ils descendront à Viazemskaïa.
Dormi, dormi. Ouvrant un œil de temps en temps sur un paysage plat. Au réveil - la provodnitsa a la délicatesse de mettre en route la radio, une radio spécial "transsibérien" - à travers la vitre embuée, passent les villes. Les bouleaux. Les câbles électriques. Les villages. C’est assez violet, avec un soleil rouge. J’ingurgite un café pâle mais brûlant.
Une vendeuse ambulante me propose du parfum français. De petits flacons enfouis dans du satin cloqué. Je regarde l’étiquette : le parfum vient de Marseille. La vendeuse est déçue : avant, sur l’étiquette de son parfum français, on pouvait lire "Париж" (Paris), ce qui était bien plus vendeur que Marseille. C’est où, Marseille ? Je lui montre sur une carte : elle pourra dire que c’est tout près de Paris.
Et voilà Khabarovsk, sous un soleil du matin à ras de l’horizon.